Un vrai cirque!

Quand je pense que certaines personnes n’ont jamais eu à faire de candidatures pour travailler, alors que j’ai l’impression d’en avoir fait un métier. C’est par centaines que j’ai écrit ces lettres de motivation, mon CV a changé au moins 20 fois de forme. On répond à des annonces, on envoie des candidatures spontanées, parfois on bénéficie des contacts de son entourage. Aucune technique de recherche d’emploi n’a de secret pour un demandeur d’emploi « longue durée ». Cela fait 6 ans que je suis demandeur d’emploi. J’ai travaillé pendant ces 6 ans, des contrats d’intérims, des CDD et même un CDI ! Ce dernier a duré 3 semaines… Après tout c’est un contrat à durée indéterminée, elle n’est donc pas déterminée ! Bienvenue au Cirque de la vie !

Etre demandeur d’emploi, c’est être plein d’espoir, c’est avoir de la force pour garder le cap, c’est aussi culpabiliser, être en colère. On peut vivre tout cela et son contraire : se désespérer, être abattu, en vouloir à la terre entière, et lâcher prise.

Quand je suis arrivée en Martinique en 2009 après 9 ans passés en France, j’ai rencontré un agent de Pôle Emploi qui a utilisé un terme particulier dont je ne me souviens pas pour désigner les gens qui comme moi trouvent du travail en moins de 3 mois, c’était il y a 4 ans. Cette phrase pourrait se terminer par un pertinent « VDM » (Vie de merde). Petite blague de clown !

Bien que j’aie eu l’occasion de travailler, je n’ai pas encore eu l’opportunité de m’installer dans ma vie d’adulte. Je vis encore chez mes parents, je suis certes indépendante financièrement, mais aucun de mes projets ne peut être lancé parce que travailler est une garantie qui est réclamée dans vie quoi que l’on veuille faire (acheter une voiture, un logement, etc). Voyager est un luxe que l’on peut se payer au prix de nombreux sacrifices et en général le retour à la réalité est souvent douloureux, seuls les souvenirs nous empêchent de regretter de nous l’être accordé. Attention à la chute car il n’y a pas de filet cher trapéziste.

Alors pour oublier un quotidien peu glorieux, on essaie de se distraire, mais là encore, un effort est nécessaire car tous les loisirs sont payants, même une soirée improvisée entre amis, parce qu’il faut participer et que ça coûte. Etre demandeur d’emploi c’est réfléchir à deux fois avant de dire oui à ce genre de sortie, c’est faire des calculs rapides dans sa tête chaque fois que l’on doit sortir sa carte de crédit, c’est mettre son orgueil de côté quand on ne peut vraiment pas et qu’on est obligé de dire non, mais c’est aussi mal placer son orgueil parce qu’on ne veut pas être aux yeux des autres le radin qui ne participe jamais aux frais communs. C’est anticiper les anniversaires et Noël parce qu’on ne veut pas passer pour celui ou celle qui n’offre jamais de cadeaux ; et c’est surtout être un acteur hors pair pour donner le change et sourire quand on sait ce qui nous attend le lendemain au réveil : rien. A en perdre la tête si on ne suit pas les balles du jongleur.

A ce sujet, j’ai développé un tout nouveau symptôme : je crains moi aussi le lundi matin, non pas à cause du réveil pour aller travailler, mais au contraire parce que ça me rappelle que je n’ai pas à me réveiller pour y aller. Alors pour combattre ceci j’ai décidé de toujours programmer quelque chose le lundi pour tromper mon ordinaire, ou jouer au dompteur…

Etre demandeur d’emploi c’est maîtriser l’art de combler le vide de sa vie avec rien et garder le sens de l’humour et de l’autodérision sans succomber au cynisme et à l’aigreur. Un vrai numéro d’équilibriste !